Discriminations multi-facettes : préjugés, refus et budgets serrés pour les personnes handicapées en quête de logement

Titre : Les difficultés d’accès au logement pour les personnes handicapées : un constat alarmant

Nathalie se remémore un jour de 2022, où sa quête d’un nouveau logement a pris une tournure frustrante. Cette quadragénaire, qui vit avec une tétraplégie, a multiplié les demandes de visites sans obtenir de réponse. Malgré des revenus dépassant le triple du loyer moyen, son handicap semble avoir joué un rôle dans les refus qu’elle a rencontrés. Elle s’interroge sur une éventuelle discrimination lorsque, après avoir été écartée d’une visite, elle a demandé à son auxiliaire de vie de se faire passer pour une autre candidate et a réussi à obtenir une invitation.

Dans un contexte de crise du logement en France, les personnes handicapées figurent parmi les premières victimes de la pénurie de logements et de l’envolée des prix. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui aborde, pour la première fois, ce sujet pourtant souvent négligé, met en lumière des cas de discriminations multiples à l’égard des personnes en situation de handicap, mais aussi des malades et des personnes âgées dépendantes.

Prejugés et refus : un quotidien difficile

À seulement 23 ans, Élodie fait face à des préjugés liés à son handicap, qui se manifeste par ses difficultés motrices et son autisme. Lors d’une visite, un propriétaire lui a même reproché d’avoir sali l’appartement avec son fauteuil. Elle raconte aussi avoir été confrontée à des commentaires sur le potentiel dérangement qu’elle pourrait causer aux voisins, une inquiétude infondée selon elle.

Dans son cheminement, Élodie a réalisé que ses expériences étaient loin d’être uniques. En rejoignant une association d’étudiants handicapés à Rennes, elle a pu échanger sur les problèmes rencontrés pour accéder à un logement.

Des disparités criantes

Un travail de recherche mené par Alexandre Flage a révélé des statistiques alarmantes. Les tests de discrimination effectués montrent qu’en postulant sans mentionner de handicap, les demandes de visites obtiennent une réponse 40% du temps. En revanche, ce taux tombe à 25% lorsque le handicap est mentionné, et même à 16% pour des demandes spécifiques liées à un handicap mental.

Flage souligne que la discrimination n’est pas seulement liée à la peur du handicap, mais aussi à une réticence envers les animaux d’assistance dans certains cas. Les personnes à mobilité réduite, quant à elles, subissent souvent des refus basés sur des préjugés et une offre limitée de logements accessibles.

Les dilemmes économiques

L’aspect financier représente un autre obstacle pour les personnes en situation de handicap. Avec un niveau de vie souvent en-deçà de la moyenne nationale, 26% d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14% pour les non-handicapés. Leur pouvoir d’achat fragile complique encore davantage leur accès au logement.

Des témoignages récoltés auprès de bénéficiaires de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) révèlent les refus d’agences qui ne prennent même pas en compte ce type de revenus. Alors que la loi interdit de tels refus, des discriminations persistantes sont signalées.

Logement social : un accès de plus en plus difficile

Lorsque le secteur privé apparaît inaccessible, beaucoup se tournent vers le parc HLM. Cependant, la demande est telle que les personnes handicapées trouvent leur situation encore plus détériorée. Les chances d’obtenir un logement social sont significativement réduites pour celles qui ont des besoins spécifiques.

D’après la Fondation Abbé Pierre, les personnes en situation de handicap ont 14% de chances en moins d’accéder à un logement social comparé aux autres. L’attente peut s’élever à plusieurs années, avec des témoignages de refus évoquant une méprise sur les besoins spécifiques des candidats handicapés.

Appel à une réforme législative

Avec des centaines de milliers de familles bloquées dans des logements inadaptés, la situation devient dangereuse. Des associations comme le Collectif handicaps alertent sur les conséquences de ces conditions de vie sur la santé des personnes concernées.

La Fondation Abbé Pierre appelle à une révision des lois, notamment celle de 2018 qui a réduit l’obligation de constructions accessibles dans les nouvelles constructions. Ces changements sont perçus comme un recul majeur pour les droits des personnes handicapées.

Conclusion

Les défis auxquels font face les personnes en situation de handicap sur le marché du logement en France sont à la fois multiples et profondément ancrés dans des préjugés sociaux. La prise de conscience et une réponse législative adaptée semblent impératives pour garantir un accès équitable au logement pour tous.

Les prénoms ont été modifiés à la demande des personnes concernées.

Source : www.francetvinfo.fr